Perles [2] – La Vieille Fille & le Viking, tome 1 : Le Voyageur Extraordinaire

Perles de l’auto-édition – et de micros-maisons  – est une rubrique destinée à mettre en valeur des ouvrages de grande qualité issus de circuits non consacrés. Et à soutenir les auteurs qui soignent autant leur écriture que le fini éditorial de leurs romans. Aujourd’hui, un ouvrage publié par les éditions Relicha… après avoir été remarqué en auto-édition.

 

La Vieille Fille et Le Viking, Tome 1 – Le Voyageur extraordinaire

Relicha Édition – Couverture : Elléa Bird

Mathilde d’Amoys n’a aucune véritable raison d’espérer : dans ce XIXe siècle alternatif, où l’énergie galvanique fait tourner le monde, l’avenir des jeunes femmes est aussi tristement limité qu’il le fut dans le nôtre. De magnifiques vaisseaux parés de bois précieux et cuivres rutilants sillonnent le ciel… mais dans le même temps, une demoiselle ne peut pas s’engager dans une carrière universitaire sans subir la réprobation sociale. Quant à la vie d’aventure dont elle aurait rêvé, mieux vaut l’oublier. Mathilde, bien qu’elle en ait pris son parti, s’attend à finir “vieille fille” – et se consacre le plus discrètement possible à l’étude des civilisations nordiques dans les combles de la faculté de Caen, sous la direction d’un adorable professeur un peu distrait. Pourtant, lorsque son cousin Armand l’informe de la tenue d’une expérience secrète de l’armée, à deux pas du domaine où ils ont grandi ensemble, elle ne peut résister. Entrée clandestinement sur la propriété, elle y découvre une scène stupéfiante… et sera amenée à sauver la vie d’un fier guerrier viking, venu tout droit du passé. On ne saurait mieux tomber : Mathilde est probablement la seule personne à la ronde capable de parler sa langue. L’alliance de la carpe et du lapin, peut-être, mais qui démarre ainsi sous les meilleurs auspices.

Très vite, l’Empire décide d’enfermer Farald au fond d’un laboratoire. Bien sûr, notre douce héroïne ne peut admettre qu’on réserve un tel sort à son fascinant rescapé. C’est le début d’une aventure endiablée, qui les mènera jusqu’en Islande par la voie des airs, accompagnés d’une mécanicienne au langage fleuri et toujours prête pour une bonne bagarre.

On le découvre rapidement, sous un maintien très conventionnel, Mathilde cache une nature impétueuse, enthousiaste et fantaisiste. Elle se révélera bientôt experte en plans casse-cou, auxquels seul leur invraisemblable culot donne une chance de réussite. Et l’affaire prendra une dimension inattendue, lorsque la route de la petite compagnie croisera celle d’un malfaiteur aussi séduisant qu’énigmatique, aux objectifs peut-être moins égoïstes qu’on ne pourrait le croire au premier abord.

Pétulance et humour, sous une plume d’une élégance délicate. Voilà ce qui fait tout le charme de ce premier roman de Jennifer Joffre, qui après avoir exercé comme traductrice est revenue à sa passion originelle, l’écriture. Son style enlevé, à la fois léger et précis, revisite avec bonheur les codes littéraires classiques… jusque dans le maniement des titres de chapitres, la cocasserie en plus (mention spéciale pour “De la haute trahison à l’usage des néophytes“). On pense à Pierre Pevel, forcément, pour la narration facétieuse, à ceci près que Paris est remplacé par l’Islande et ses voisins scandinaves. La culture comme les traditions locales sont ici insérées par petites touches habiles, qui donnent un joli relief à l’ensemble sans jamais l’alourdir.

Quatre autres tomes de la “Saga galvanique” devraient suivre cette entrée en matière très prometteuse. Publiée initialement en auto-édition, elle a rapidement trouvé son public, avant d’être repérée par une jeune maison rennaise, Relicha Édition. Une réussite qui ne fait sans doute que commencer, tant Jennifer Joffre se démarque déjà, autant par l’originalité que par la cohérence de son univers.

 


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